Pierre et les enfants marchèrent durant plusieurs jours dans cette immense forêt. Bientôt, les conifères furent remplacés par des chênes et se clairsemèrent au fur et à mesure. L'obscurité disparaissait petit à petit, laissant place à un jour éblouissant.
Finallement, ils arrivèrent à une clairière, et un village apparaissait à quelques kilomètres seulement.
-Plus de forêt ! s'exclama Misha.
-Chut...
La petite troupe se retourna et ils virent une femme énorme. Elle était grande, mais aussi ronde qu'un tonneau, et son visage était caché par un voile duquel seuls deux yeux verts perçaient.
-Qui êtes vous ? demanda Pierre.
La femme l'ignora et regarda les enfants.
-Venez vite sous mes jupes, dit-elle. Dépêchez-vous.
Les enfants lancèrent un regard interrogateur à Pierre, et la femme expliqua :
-Des soldats orques sont passés il y a quelques jours. Ils cherchent un homme et deux enfants. Cachez-vous vite, et ne bougez pas.
Angus et Misha n'avaient pas quitté leur guide du regard, et ce dernier hocha la tête. Alors ils se réfugèrent sous la jupe de la femme.
-Posez vos pieds sur les miens, et tenez-vous bien dit-elle.
Elle se tourna vers Pierre.
-Suivez-moi.
Elle marcha sans difficultés malgré les enfants accrochés à ses jambes, et moins d'une heure plus tard, ils arrivèrent au village.
-Regardez ! s'exclama un berger qui guidait ses moutons. La vieille Helda a trouvé un nouveau client.
-Je me demande ce qu'il lui trouve, répondit un villageois.
-Ne les écoutez pas, chuchota la femme à Pierre. Nous sommes arrivés.
Elle s'arrêta devant une maisonnette, en retrait du village, et sorti une clé de sa poche. Elle ouvrit puis entra, suivie de Pierre. Là, elle leva sa jupe.
-Vous pouvez sortir de là, dit-elle aux enfants.
-Wah, dit Angus, je commençais à avoir chaud.
Les enfants quittèrent les jambes de la femme qui leur demanda :
-Alors, qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? A manger, un bain, et un bon lit ?
-Oh oui ! s'exclamèrent Misha et Angus en choeur.
-Pouvez-vous aller tirer de l'eau au puits ? demanda la femme à Pierre. Je m'occupe du repas.
Pierre obéit, surpris. Qui était cette femme, et pourquoi était-il chez elle ?
Quand il revient à la maison, quelle fut sa surprise de voir que la grosse femme, vêtue d'une jupe grossière et d'une blouse, s'était transformée en jolie jeune femme. Elle portait une tunique et un pantalon verts et ses épais cheveux roux flottaient sur ses épaules.
Pierre versa l'eau dans une marmite et demanda :
-Magie ?
-Simple couture, répondit la femme en montrant ses vêtement rembourrés de paille.
Les enfants éclatèrent de rire.
-Je m'appelle Hilda, et vous ?
-Pierre, et les enfants sont Misha et Angus. Pourquoi nous avez-vous aidés ?
-Pour la même raison que vous. Et quand vous repartirez, je partirai avec vous.
-Vous avez vu Erwan ? demanda Angus avec espoir.
-Qui est Erwan ?
-Notre grand frère, répondit Misha. C'est lui qui nous a confiés à Pierre.
-Je ne l'ai pas vu, non, mais il m'a fait porter un message, répondit Hilda.
Elle décrocha la marmite d'eau chaude, la mit dans la baignoire, dosa l'eau froide, et dit enfin :
-Allez, c'est l'heure du bain.



Les enfants dormaient à poing fermés dans le seul lit disponible. Pendant ce temps, Pierre et Hilda parlaient à voix basse.
-Protégez les enfants, Pierre, dit Hilda. Protégez-les comme s'il s'agissait de votre propre vie.
-Je fais de mon mieux, répondit Pierre. Mais contre cent trolls, je ne pouvais rien faire.
-Je le sais bien. Mais à présent, nous serons deux pour les protéger. Et plus encore.
-D'autres personnes vont se joindre à nous ?
-Des espions, comme moi, surveillent les armées du roi, et nos armées interviennent afin de les combattre, pour vous faciliter la tâche.
-Pour qui travaillez-vous ?
-Pour Maître Arjuana, je n'en sais pas plus.
Pierre soupira.
-Nous partons demain soir, annonca Hilda. Ainsi, demain, nous pourrons nous réapprovisionner en vivres.



Le lendemain, Pierre s'installa sur la place du marché et il vendit les manteaux et les bottes qu'Angus avait fabriqués. Additionné à ce que l'enfant avait trouvé sur les cadavres des trolls, il eut une poignée de pièces d'argent. Il acheta des vivres, et le soir, après un copieux repas, les quatre compagnons partirent dès que le soleil fut couché.