Juliette se réveilla nue sur son lit. Que s'était-il encore passé ? Elle se souvenait pourtant clairement avoir pris sa douche, la veille au soir, et avoir ensuite enfilé un grand t.shirt avec une tête de cochon, puis s'être couchée.
Elle ferma les yeux et une image lui apparut : le Professeur Olivier Richard la prenait en photo. Cela avait dû être un rêve car pourquoi ce savant la prendrait-il en photo ? Il ne semblait ni l'apprécier, ni s'intéresser à elle, alors...
Juliette se leva, passa un peignoir et elle mit la vafetière en marche. Elle alla à la salle de bains, sauta dans un jean étroit élimé et un ample sweat-shirt. Elle dompta sa chevelure sombre et se brossa les dents. Quelle fut sa surprise de découvrir sur sa brosse à dents de minuscules morceaux de métal, comme si la veille, au lieu de manger des raviolis, elle en avait mangé la boite.
-Mais que se passe-t-il, ici ! s'écria-t-elle après avoir recraché du dentifrice serti de minuscules particules de métal.
Elle rinça sa brosse sous un jet d'eau et se brossa énergiquement les dents. Tout à coup, le téléphone sonna. Juliette se rinça la bouche et alla répondre.
-Allô ?
-Juliette ?
-Oh, bonjour M. Simon, répondit Juliette en reconnaissant la voix de son employeur, le PDG de la multinationale Sim. Corporation.
-Juliette, je vous appelle pour vous présenter mes sincères condoléances.
-Je vous remercie de votre sollicitude mais je vais revenir cet après-midi, dès que j'aurai terminé d'emballer les affaires de mon père.
-Si je vous invitais à déjeuner à midi, cela vous éviterait d'être seule.
-Cela me touche mais...
-S'il vous plaît. Je ne vous ai pas vue pendant une semaine et maintenant que je suis rentré des Etats-Unis, j'aimerais vous voir...
-D'accord, soupira Juliette ! Passez me chercher à 12h30, je pense que j'en aurai terminé avec les affaires de mon père.
Juliette jeta un oeil à sa montre. Elle indiquait 8h15.
-Alors à tout à l'heure, Juliette ! s'exclama le patron d'une voix joviale et il raccrocha.
Juliette soupira. Elle n'avait rien contre la compagnie de Bruno Simon, qui était très agréable. Cet homme était grand, et plutôt bel homme avec ses cheveux blonds toujours trop longs et ses yeux noisettes brillants d'intelligence. Il n'avait cependant rien de comparable avec Olivier Richard et ses cheveux noirs, ses yeux bruns surmontés de lunettes de la même couleur, sa haute stature... Mais Bruno était amical et sympathique alors qu'Olivier était froid et antipathique.
Juliette secoua violemment la tête. Au lieu de penser, elle ferait mieux de se mettre au travail. Elle avala alors un café à la hate et elle traversa le couloir qui menait directement aux appartements de son père. Elle emballa les affaires dans des cartons et ne garda que ce dont elle pouvait se servir : l'ordinateur, le bureau, les étagères. Elle mot les potions chimiques dans un carton, elle grava deux jeux de CD les informations contenues dans l'ordinateur.
Le plus fastidieux était fait ! Mais le plus difficile restait à venir : monter tous les cartons au grenier.

"20 janvier 2016
Etant donné l'évolution des sérums dans le sang de Juliette, en partant de l'hypothèse qu'ils se développent à ce rythme, il me serait possible de déterminer la date approximative à laquelle ma fille se transformerait pour la première fois. Quelque chose, cependant, me pose problème. Juliette m'a avoué qu'à la soirée du Nouvel An qu'elle a passée à une fête chez une de ses amies, elle avait eu sa première relation sexuelle. Cela me mène à me demander si ces sérums sont sexuellement transmissibles et si oui, est-ce qu'un simple morceau de latex saurait les arrêter. D'après ses dires, ma Juliette s'est protégée, mais est-ce suffisant ? Je lui ai interdit d'avoir de nouvelles relations avec un hommes, mais elle est encore une adolescente et possède un fort esprit de contradiction. Un nouveau test reste à faire."
Olivier bouillait de rage ! Cet homme qu'il avait toujours admiré était en réalité un égoïste. A cause de sa stupide expérience qu'il aurait pu commencer par réaliser sur un rat voire un lapin, il interdisait littéralement à sa fille de vivre. Quel genre d'enfance avait du avoir la pauvre Juliette ?
"22 janvier 2016
X+Yx[Z-ABC]²/[W-(XY)²]x(UVW)/360=5,5
D'après mes pronostics, Juliette se transformera en monstre dans cinq ans et demi environ, c'est à dire peu après ses vingt-et-un ans. Une question se pose : parviendrai-je à dominer le monstre qu'elle sera devenue ou perdra-t-elle la raison ?
Cette après-midi, pendant que Juliette va faire du shopping avec une amie (c'est ce qu'elle m'a dit mais je suis persuadé qu'elle va voir son petit ami), j'en profiterai pour aller au distributeur au coin de la rue pour acheter des préservatifs. En effet, je dois absolument savoir si ces sérums sont sexuellement transmissibles et si oui, si un préservatif est capable de les arrêter."
"28 janvier 2016
Trop, c'est trop ! Je viens de découvrir que les sérums sont sexuellement transmissibles ! Et en plus, j'ai placé un préservatif détendu sur une éprouvette. J'ai posé du sérum sur le préservatif. Et j'ai découvert qu'il y avait du sérum dans l'éprouvette. Je dois absolument arrêter Juliette ! Elle n'a pas de relation avec tous les hommes de la ville, mais enfin, un monstre en plus, c'est un monstre en trop ! Et si ces hommes rencontrent d'autres femmes... Je n'ose y penser !"
Olivier sentit les poils se hérisser sur sa peau. Il y avait au moins un monstre, il en était sûr. Mais alors s'il y en avait plusieurs...
Ce professeur qu'il avait admiré toute sa vie était en réalité très mauvais car lorsqu'on crée une telle chose, on prend des précautions et on teste, on ne fait pas cela sans réfléchir, au préalable, aux conséquences que cela peut avoir.
Olivier jeta un oeil à sa montre : 12h20. Cela ne se fait pas de se rendre chez les gens aux heures des repas mais c'était un cas d'extrême urgence : il devait interroger Juliette et savoir tous les hommes avec qui elle avait déjà... dormi. Et jusqu'à nouvel ordre, lui-même devait s'abstenir de toutes relations sexuelles, car qui sait si la femme avec laquelle il dormirait n'aurait pas connu un homme qui aurait connu Juliette.
Le jeune scientifique se leva, passa sa veste, saisit les clés de sa 406 noire et il partit en direction de chez la fille du Professeur Eliott.
Etant donné le traffique d'un vendredi midi, il arriva quelques dix minutes plus tard. Il se gara sur l'accotement et il alla frapper. Juliette vint ouvrir, vêtue d'un tailleur de soie bleu turquoise parfaitement assorti à ses yeux. Ses cheveux noirs étaient relevés en un chignon dont quelques mèches bouclées s'échappaient, mettant en valeur l'ovale parfait de son visage sans lui donner un air trop strict ou trop sévère.
-Bonjour Mademoiselle Eliott, dit-il. Excusez-moi de vous déranger mais j'aurais quelques questions à vous poser.
-Oh, je suis sincèrement désolée mais... je suis occupée.
-Je n'en ai que pour quelques minutes.
-Alors je vous écoute mais faites vite.
-J'aimerais connaître les noms et adresses de tous les hommes avec qui vous avez déjà dormi.
Juliette gifla violemment Olivier et d'écria :
-Comment osez-vous ? Je veux bien répondre à vos question concernant mon père mais ma vie... sexuelle ne vous concerne pas !
Olivier vit Juliette rentrer chez elle, puis elle ressortit avec ses clés. Elle verrouilla sa porte et se dirigea vers un homme qui semblait l'attendre près d'une Jaguar. Elle lui tendit la main, mais l'homme posa ses mains sur les épaules de Juliette et il l'attira contre lui en déposant un baiser sur sa joue. Olivier avait déjà vu cet homme quelque part mais il ne se souvenait plus de qui il était.
Le scientifique regagna sa voiture et il partit comme il vit la Jaguar s'éloigner. Cette après-midi, il avait un cours dans la faculté de chimie de la ville voisine et cela risquait d'être éprouvant, aussi, il ferait mieux de se reposer. Il rentra chez lui et il se commanda une pizza.



Voilà, j'espère que ça vous plaira. Bises à tous.