- Je vous remercie de tout coeur pour ce que vous avez fait, dit-elle avec un sourire mélancolique, savoir qu’ à présent il repose en paix me procure le plus grand des réconfort.

Ils échangèrent encore quelques politesses puis il se retira.

Cette femme lui paraissait si misérable, comme chaque « client » des Sumeragi d’ailleurs.

Il s’ennuyait terriblement. Endosser ce rôle, celui d’une personne innocente et compréhensive, lui semblait parfois une pure perte de temps. Mais il devait être convainquant alors il n’y avait pas d’autre moyen.

Subaru arpentait lentement les rues sombres de Tokyo.

Peut-être cela paraissait-il imprudent pour un adolescent de parcourir la ville dans la semi-pénombre, ne pressant même pas le pas malgré le silence des lieux déserts qu’il traversait ? Cela ne l’était pas. Sous son apparente fragilité se dissimulait le plus puissant des Sakurazukamori.

Que faisait-il ? Cherchait-il une proie ? Non, il l’avait déjà trouvée.

D’un bond il se retrouva sur le toit d’un immeuble, son regard braqué sur un point éloigné. Ses yeux étaient posés sur sa proie. A travers la baie vitrée il observait les rares passages de l’intéressé, se demandant si ce soir enfin il ferait une victime.

Une semaine déjà. Ce corps lui appartenait depuis sept jours. Et pas une fois encore il n’avait pu observer son prédecesseur en action. Ce soir serait peut-être plus fructueux.

Ses pensées venaient à peine de l’effleurer lorsque la lumière s’éteignit et qu’il le sentit quitter l’appartement. Son long manteau noir flottant au vent, Seishiro se déplaçait discrètement de toit en toit. Et Subaru le suivait. L’assassin ne semblait pas avoir perçu sa présence comme il l’avait prévu.

Quelles étaient ses pensées à cet instant ? Certainement songeait-il au jeune Sumeragi et au divertissement qu'il lui procurait ou autre chose peut-être. Mais sans doute pas à sa victime, il ne ressentait rien pour elle, uniquement de l’indiférence. Tout comme lui-même, Subaru Sakurazuka, aurait-été insensible à sa place. Tuer ne représentait rien pour lui, Seishiro avait parfaitement cerné l’effet de cet acte lorqu’il lui avait affirmé bien des années auparavant, en lui dévoilant son identité, « c’est comme briser du verre, un cadavre ou un débris c’est pareil pour moi ». Il se perdit un instant dans ces souvenirs, la scène se jouant devant ses yeux, ce pauvre adolescent pathétique sous le choc de la révélation, submergé par la douleur. Non, vraiment, il avait bien changé, il ne ressentait plus cette douleur, ... il ne...

L’assassin qu’il filait venait d’entrer dans un petit immeuble plongé dans l’obscurité. A l’exception d’un étage apparemment désert. Subaru l’observa tandis qu’il pénétrait dans un hall majestueux au moment où un homme dans la force de l’âge quittait son bureau, le seul de l’étage et donc d’une taille imposante.

« - Que... que faites-vous ici ? Cet étage est interdit d’accès en dehors des membres de la direction ! »

Du toit où il se tenait perché, il pouvait ressentir toute la nervosité, et la peur déjà, de cet homme bien portant aux tempes grisonnantes face à l’apparition de cet inconnu au long manteau noir.

« - Certaines personnes ne peuvent plus accepter votre présence en ces lieux, dit l’assassin d’un ton léger, ils m’ont chargé de régler ce problème.

- Mais... »

Avant qu’il ne puisse en dire plus, le bras de Seishiro l’avait littéralement transpercé de part en part.

Etudiant son visage avec attention, l’adolescent d’apparence n’y décela que de la froideur. Pas l’ombre d’une émotion ne vint troubler ces traits lorsque le corps s’écroula au sol dans un bruit sourd et sans un regard en arrière il quitta sa victime tandis qu’elle se changeait en une pluie de pétale de cerisier.

Etait-ce l’apparence que lui-même, Subaru Sakurazuka, adoptait à chacun de ses meurtres ? Il n’en savait rien, personne n’aurait pu lui dire, personne ne lui avait survecu après s’être trouvé face à son identité véritable. Mais sans doute était-ce le cas. Ils ne pouvaient être que très semblables, étant tout deux des Sakurazukamori. Pourtant il y avait une différence majeur entre eux : si Seishiro affirmait ne rien ressentir, lui ressentait, c’était inévitable. La douleur ? Non, son âme l’avait effacée avec sa bienveillance à l’égard des autres. L’amour peut-être ? Ce sentiment l’avait quitté depuis tout aussi longtemps. La haîne ? Que cela lui aurait-il donc apporté ? Non, la joie perçait parfois en lui simplement lorsqu’il parvenait à briser un instant son ennui, une joie éphémère et diffuse. Le monde lui paraissait si terne qu’il tentait de s’y distraire, sans grand succés malheureusement. Cette joie qu’il ressentait si rarement, en était-ce réellement ? Il ne parvenait pas à la définir autrement. D’ailleurs c’était ce qu’il ressentait en ces instants alors qu’il suivait Seishiro, ne pouvant s’empêcher de sourire, en enregistrant mentalement chaque attitude de cet homme. Mais peut-être que tout cela ne se résumait en fait qu’à de la simple curiosité, celle de pouvoir un jour percevoir une véritable émotion dans ces yeux ambrés.

Il le suivit un temps encore puis le quitta lorsqu’il atteignit son appartement. A son tour, il se dirigea vers le sien tandis qu’il élaborait encore de nouvelles étapes à sa principale distraction et qu’il se réjouissait déjà des effets qu’elles provoqueraient.

Il pénétra en silence dans ce lieu si familier qu’était son appartement et, ne percevant aucune présence, il garda son expression moqueuse qui ne le quittait plus lorsqu’il se retrouvait seul. Subaru posa un instant les yeux sur le plateau qui l’attendait sur le comptoir de sa salle à manger et lu sans s’y intéresser le mot que sa soeur lui avait laissé. « Ne travaille pas trop et prends un peu soin de toi. Et surtout n’oublie pas de souper ! Hokuto, ta soeur qui t’aime »

Son sourire s’élargit un peu plus encore en songeant à la facilité avec laquelle il parvenait à les berner. Il écarta le mot sans s’en soucier davantage, soupa rapidement puis rejoint sa chambre.

S’asseyant à même le sol, il ferma les yeux, se concentra puis psalmodia un sort, détachant chaque mot avec lenteur et intensité. Une lumière rosâtre l’enveloppa puis le néant remplaça le décor de sa chambre. Il resta ainsi durant de longues minutes puis il prononça quelques paroles entrecoupées qui se perdirent dans l’obscurité.

« - Je sais... Je connais la vérité... »

Un nouveau silence.

« - Cela ne fait que commencer. Bientôt... »

Il ouvrit soudainement les yeux, laissant sa phrase en suspend puis se leva, satisfait.

Il entra dans sa salle de bain et, sur son visage se reflétant dans la glace, un sourire carnassier capable de donner des sueurs froides fût perceptible durant un bref instant avant que le Sakurazukamori ne se détourne.
- Subaru !

L’interpellé se retourna affichant un doux sourire et salua le vétérinaire qui s’approchait un paquet dans les bras.

- Je ne t’ai pas fait attendre trop longtemps ? Je croyais être en avance mais...

- Oh non, ne t’inquiète pas, c’est moi qui suis arrivé plutôt... , répondit l’adolescent en baissant les yeux comme cela lui arrivait souvent après avoir pris une initiative de ce genre. Comme c’est toujours toi qui dois m’attendre, ajouta-t-il légèrement intimidé, je voulais pour une fois ne pas t’imposer ça.

Subaru leva les yeux vers son compagnon et se retrouva devant le plus charmeur des sourires. Ne manquant pas de rester tel qu’il était censé l’être, il détourna vivement le regard et bredouilla un vague remerciement pour l’invitation à déjeuner de Seishiro.

Ce dernier lui posa une main sur l’épaule, l’obligeant ainsi à reporter son attention vers lui.

- C’est moi qui devrait te remercier d’avoir accepté, dit-il alors que leur visage n’étaient plus séparé que par une vingtaine de centimètres.

Le vétérinaire s’approcha un peu plus encore tandis que le visage de l’adolescent se teintait légèrement de pourpre.

- A ta réaction, on pourrait nous prendre pour un couple d’amoureux, lui souffla-t-il sur le ton de la confidence, avant de sourire devant le visage confus de son jeune vis-à-vis.

- Seishiro ! Mais nous sommes deux hommes ... !

Eh bien, oui, je te l’ai déjà dit, je suis un homme et j’aime un homme !

Il sourit un peu plus encore puis devenant soudain grave ajouta :

- Je t’aime Subaru.

- Mais, mais... Seishiro, je, je...

- Ah, ah, ah ! Tu es si mignon Subaru ! Allez, allons déjeuner ou Hokuto m’en voudra de ne pas prendre soin de toi ! dit-il avec une pointe d’amusement dans le regard.

Ils s’installèrent sur un banc d’un parc à proximité et ils déjeunèrent avec les croissants et les boissons chaudes que Seishiro avait apportés.

Subaru Sakurazuka ne pouvait toujours pas s’empêcher d’admirer le talent de son prédécesseur pour jouer son rôle si parfaitement. Mais il était plutôt doué à ce jeu lui aussi ; Seishiro allait bientôt en faire les frais.

Le soleil était à demi voilé par les nuages, le vent doux était apaisant et ils parlaient de tout et de rien comme deux personnes des plus normales.

- Hokuto est vraiment une soeur fantastique, elle pense toujours au moindre détail pour que tu ne manques de rien !

- Oui, c’est vrai, répondit l’adolescent, je ne sais pas ce que je deviendrais sans elle, continua-t-il en essayant de se montrer le plus sincère possible.

- Elle a aussi toujours de très bonnes idées ! Grâce à elle je vaisenfin avoir la chance de t'entendre chanter !

- Pa... Pardon ? dit Subaru en feignant la surprise.

- Je lui ai promis de vous inviter tous les deux au karaoké ! Mais si cela te convient seulement, ajouta-t-il avec une certaine appréhension.

Il observa Seishiro qui attendait une réponse favorable.

- Euh, oui je veux bien, répondit-il d’un air peu assuré.

Le vétérinaire lui offrit unsourire enjôleur avant delui promettre qu’il ferait tout pour qu’il passe une merveilleuse soirée.

Ils parlèrent dans la même ambiance quelques temps encore avant que Seishiro ne rentre à la clinique et que le jeune Sumeragi ne se dirige vers le lieu de son nouveau travail.

Identique. Sa présence dans ce corps ne semblait pas vraiment changer le cours des choses. Il parvenait à se souvenir de chaque parole qu’il avait prononcé dans sa jeunesse, ce qui d’ailleurs l’étonnait au plus haut point étant persuadé depuis longtemps d’avoir oublié cette partie de sa vie, et les évènements s’enchaînaient comme par le passé. Ce déjeuner, l’invitation au karaoké jusqu’à la façon dont ils venaient de se quitter il y avait quelques instants à peine, tout était parfaitement identique. Il avait plus que jamais le pouvoir d’arriver à ses fins, la vie s’écoulant de la même manière, il pouvait prévoir chaque fait intervenant dans son environnement.

Le lendemain soir était un souvenir encore clair dans son esprit...

« Trop clair. » se dit-il « C’est étrange... mais sans importance. » conlu-t-il.

Il savait exactement comment se déroulerait la soirée mais cette fois...
Minuit.

La chambre était plongée dans l’obscurité. Le silence était seul maître des lieux. Non, pas tout à fait. Un murmure régulier s’élevait dans la pièce, quasiment imperceptible mais pourtant bien présent. Et une aura rosâtre, presque rouge, émergeait au centre là où Subaru était assis, immobile, les yeux clos, à l’intérieur d’un vaste pentacle.

Les minutes s’égrainèrent lentement puis le Sakurazukamori finit par rompre sa concentration, effaça toute trace de sa magie puis s’allongea dans son lit. Les pièces se mettaient en place sans qu’il ne doivent en faire plus que ce qu’il souhaitait. Doucement, un nouveau destin s’organisait et il en était le seul maître. Il posa un instant les yeux sur ses gants qu’il avait portés en permanence malgré lui.

Fermant les yeux, son sourire resta gravé sur ses traits alors qu’il s’interrogeait sur la réaction de Seishiro lorsqu’il pousserait son jeu plus loin. Dans peu de temps. Très peu de temps.

A suivre...

Hokuto : ça y est, elle m’a encore zappée de sa fic... SEI !

Kokoro : désolée, il est un peu occuppé (lui fait un grand sourire en pensant : Vengeance !)

Hokuto : SUBARU !

Kokoro : hé,hé, lui aussi !

Hokuto(dégoûtée mais qui ne s’avoue pas vaincue) : t’as intérêt à me donner plus d’importance dans le prochain chapitre, sinon...

Kokoro (qui lui prête plus attention et qui va se coucher) : ouais, ouais, on verra... ( pour elle-même : n’y compte pas trop ma ptite Hokuto, hi,hi)