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Geneworld.net>Fan-fictions>Z-shadewolf>Une vie de mensonges.

08 - UN TRAÎTRE ? ; " JE VEUX VIVRE... " PAR Z-SHADEWOLF

Combien de temps étaient-ils restés là, blottis l'un contre l'autre, assis sur son lit à baldaquin ? Combien de temps étaient-ils restés seuls, silencieux, dans la pénombre de la nuit ?
A leur goût, trop peu de temps.

" Il se fait tard, " dit Lubio à haute voix, plus pour lui-même que pour son aimée, " la lune est déjà haute dans le ciel. Je dois partir. "

" Non... Pas encore... " le supplia la jeune fille d'une voix ensommeillée.

" Allons, soit raisonnable petite princesse. Tu tombes de fatigue. "

" Mais arrête de m'appeler comme ça ! " rit-elle en lui donnant une tape sur le bras.

Le garçon se leva lentement, comme pour apprécier les infimes derniers instants où ils étaient en contact, puis se dirigea vers le balcon. Erine bondit vers lui, soudainement réveillée, et lui agrippa le bras. Elle voulait sentir sa chaleur, son odeur, jusqu'au tout dernier instant de son départ.
Arrivés à la balustrade, elle se détacha peu à peu de lui. Il se retourna vers elle, prit son menton entre ses doigts et déposa un dernier baiser sur les lèvres si douces de son amante. Ils étaient tous deux tristes de devoir se séparer, même si ce n'était que pour quelques heures.
Après une dernière étreinte, il attrapa la corde attachée à la rambarde et se laissa glisser jusqu'à l'herbe rase. Erine resta seule, debout sur son balcon à présent si vide, à regarder son amoureux dévaler la colline. Elle aurait tant voulu le suivre, le raccompagner jusqu'à chez lui... D'ailleurs, pourquoi ne le pourrait-elle pas ? Cette contrée était paisible, jamais aucun ennemi ne s'était aventuré jusqu'ici.
La jeune fille finit par se décider et retourna dans sa chambre, changea sa robe légère contre un pantalon et un haut à manches courtes, puis descendit à son tour par la corde de son balcon. Là, elle se dirigea vers l'écurie, sella sa jument noire et partit en silence, tirant par les rênes sa monture derrière elle. Lorsqu'elle se fut assez éloignée du manoir, elle monta sur le dos de sa bête et la lança au galop.
Le vent doux et frais du printemps lui caressait les bras et le visage, jouait dans ses cheveux et dans la crinière d'ébène de sa monture.
Erine regarda devant elle, à gauche, à droite : personne. Nulle part elle ne voyait son ami. Où pouvait-il être passé ? Etait-il déjà arrivé chez lui ?
Non, c'était impossible. Il n'avait que quelques minutes d'avance sur elle et elle était à cheval : elle le rattraperait sûrement avant qu'il ne soit chez lui.
La jeune fille se dirigea donc vers le village au centre duquel se dressait fièrement la statue en marbre blanc du centaure. A la sortie du village, elle aperçut la demeure du garçon, point minuscule dans l'horizon, toutes lumières éteintes. Elle la trouvait bien petite comparée au manoir de son père, mais peut-être était-ce un espace assez grand pour qu'une personne puisse y vivre à son aise... Peut-être même deux...
Elle se présenta au portail de la propriété et sonna à l'interphone. Personne ne répondit.
Elle se retourna, s'apprêtant à repartir en arrière dans l'espoir de l'avoir dépassé sans le voir, lorsqu'enfin elle aperçut celui qu'elle cherchait tant. Il se trouvait à une centaine de mètres devant elle. Erine ne le reconnut pas distinctement, mais qui d'autre cela pouvait-il être à une heure si tardive et si loin des villages ?
Elle attacha les rênes de sa jument autour d'un des barreaux du portail et se lança à la poursuite du jeune homme.
Une fois près de lui, elle ralentit et se courba vers l'avant : elle avait envie de le surprendre. Elle voyait déjà le visage de son amant, surpris puis heureux.
Elle l'entendit murmurer quelque chose mais n'y prêta pas attention. S'il avait l'esprit occupé, sa surprise n'en serait que plus grande.
La jeune fille était à présent si proche de lui qu'il lui aurait suffit de tendre le bras pour le toucher. Elle bondit et retomba lourdement sur l'épaule droite du garçon en criant un « Bouh ! » sonore.
Mais l'instant ne se déroula pas exactement comme elle l'avait espéré : son amant ne la regarda non pas avec surprise, mais avec stupeur, comme si cette petite espièglerie allait causer un désastre.

" Du calme, " dit Erine, " c'est moi. Je voulais juste te faire un peu peur. "

Lubio n'avait pas du tout l'air heureux de la voir. Il semblait plutôt être en proie à un immense malaise. Elle aussi commençait à se sentir gênée, comme contaminée par cette désagréable sensation.

" Que viens-tu faire ici ? "

" Je... Je ne sais pas. Je voulais me promener... te raccompagner... et puis, je n'ai pas à te donner d'explications ! "

Elle lui agrippa le bras.

" Je voulais juste être avec toi... "

Le regard de son amant s'adoucit, comme s'il était ému, comme s'il était apaisé. Il la prit dans ses bras et l'étreignit avec force, mais sans lui faire mal. Elle aussi le serra de toutes ses forces, goûtant avec délice la douce et rassurante chaleur qui émanait du corps de son ami.
Sans cesser son étreinte, il lui dit :

" Rentre chez toi. Tu ne devrais pas être là. "

" Mais je veux être avec toi ! Je ne veux pas te quitter jusqu'au retour de mon père. Si tu veux que je rentre, rentre avec moi. "

" Je ne peux pas... J'ai des choses à faire. "

" Alors emmène-moi avec toi. "

" Tu ne peux pas venir, c'est trop dangereux... "

« Dangereux » ? Qu'allait-il donc faire ?

" Tu seras avec moi, rien ne pourra m'arriver. "

Lubio la serra un peu plus fort. Cela lui fit un peu mal, mais Erine ne broncha pas.

" Je ne sais pas si je serai assez fort pour ça... Je ne veux pas te perdre. "

" Tu peux dire ce que tu veux, je ne changerai pas d'avis : je veux venir avec toi. "

Le garçon finit par céder. Il sentait que cette fois-ci, il ne pourrait pas la faire revenir sur sa décision.
Il fit glisser sa main autour des hanches de son amie et, l'entrainant à son côté, reprit sa route. Erine remarqua alors qu'ils se dirigeaient vers la forêt. Elle se sentait curieusement nerveuse : chaque pas l'éloignait un peu plus des villages, mais de quoi pouvait-elle avoir peur ? Après tout, depuis le passage des Trois Grands, plus aucun ennemi n'avait mis les pattes dans cette région. Pourquoi aujourd'hui, après plus de mille ans, seraient-ils revenus sur le lieu de leur plus grande défaite ?
Elle tourna la tête vers son amoureux mais ne parvint pas à obtenir un seul de ses regards : il gardait les yeux levés vers l'orée sombre, lui qui d'habitude ne regardait que le ciel lorsque la nuit était tombée, et son visage affichait un air tourmenté.
Ils arrivèrent enfin à la lisière, frontière si mince et pourtant si opaque entre la plaine baignée de lumière et le bois plongé dans l'obscurité.

" Attends-moi là, je n'en aurai pas pour longtemps. "

Erine lui obéit. Elle sentait qu'elle devait le faire. Elle lui fit un « au revoir » de la main tandis qu'il s'enfonçait dans les ténèbres.
Elle attendit cinq minutes, dix minutes, mais Lubio ne revenait toujours pas. Elle l'appela, apeurée, mais personne ne répondit.
Elle prit une profonde inspiration pour se calmer puis, d'un air déterminé, frappa dans ses mains.

" Bon, je vais le chercher. "

La jeune fille s'avança timidement mais résolue et plongea à son tour dans ce monde de ténèbres.
Ses yeux mirent quelques secondes à s'habituer à la pénombre, puis elle avança droit devant elle, ne sachant par où commencer ses recherches. Arrivée à un arbre dégarni, elle bifurqua à droite. Face à un buisson épineux, elle tourna à gauche.
Puis à droite, à gauche, à gauche et encore à droite. Elle s'aperçut soudain qu'elle n'arrivait plus à savoir par où elle était passée : elle s'était perdue en essayant de retrouver son ami.
Les larmes lui montèrent aux yeux. Elle commençait à avoir peur de ne jamais retrouver le chemin de la plaine. Elle commençait à avoir peur de mourir ici, seule, dans la nuit éternelle.
Une voix la sortit de sa torpeur, une voix rauque de femme, avec quelque chose d'animal dans le ton. Elle semblait venir de derrière cet arbre aux branches basses.
La jeune fille s'approcha et regarda discrètement par les lacunes du feuillage. Ce qu'elle vit la fit sursauter de stupeur : Lubio était là, debout, et faisait face à une demi-douzaine de loups noirs assis en arc de cercle. Et devant lui, plus proche encore, se dressait un autre loup, au pelage tirant sur le gris foncé, qui le regardait d'un oeil vif.
Mais ce qui choqua le plus Erine, c'était qu'ils discutaient !

" Comment cet animal diabolique peut-il parler ? " se demanda-t-elle, " Et pourquoi Lubio est-il ici ? Ce sont des ennemis ! Ils sont dangereux ! "

Elle tendit l'oreille, percevant quelques bribes de conversation à travers les murmures du vent dans les branches.
Elle entendit la voix du garçon :

" ... la bonne. Partez, ou... grosses pertes. "

La voix rauque de femme se fit entendre. Elle provenait du démon aux poils gris.

" Je pense... vrai. Ils sont total... protèges sûre... l'ordre d'attaquer. "

" Non ! " s'écria alors le garçon, " Je ne mens pas ! Ils vont... "

Le vent cessa brusquement de souffler.

" Arrête ! " le coupa le canidé, " Qu'est-ce que ça sent ?! "

" Hein ? Mais... mais ça ne sent rien. " s'exclama Lubio, visiblement affolé.

Le coeur de la jeune fille battait la chamade. Elle retint son souffle : la bête et le garçon venaient de se retourner d'un même mouvement vers l'endroit où elle se cachait.
Le loup grogna, découvrant ses crocs, et vociféra d'une voix sourde :

" Une humaine... Trahison... "

Les deux interlocuteurs crièrent en même temps :

" Cours ! "

" Tuez-la ! "

Erine fit demi-tour et s'enfuit aussi vite que possible. Elle entendait derrière elle la meute se lancer à sa poursuite. Elle sentait le sol trembler sous la cavalcade des bêtes.
Un grondement terrifiant retentit, la jeune fille bifurqua à gauche. Le loup qui avait bondit sur elle s'écrasa contre un chêne dans un concert de glapissements. Les autres poursuivants s'arrêtèrent à la hauteur de leur compagnon blessé.
Sans cesser de courir, la jeune fille se posait des questions : pourquoi ces bêtes s'étaient-elles arrêté de la poursuivre pour assister leur blessé ? Seraient-elles douées de compassion ?
Non, c'était impossible : ce n'étaient que des démons ! D'horribles assassins sans sentiments !
Erine ne prêta plus attention à ses interrogations : devant elle venait d'apparaître un rideau de lumière aux allures irréelles. La plaine, enfin !
Elle jaillit de l'orée tel la grande Valkia perçant les nuages et s'immobilisa, tous ses sens en alerte : elle entendait les bêtes se rapprocher. Elles seraient bientôt là.

La jeune fille à la chevelure sombre courait droit devant elle. Elle courait à en perdre haleine. Elle courait pour sa vie.
Elle s'arrêta tout net : Lubio lui avait dit de partir, et elle lui avait obéi.

" Quelle lâche ! Quelle idiote ! Je me sauve et le laisse seul face au danger ! "

Elle fit volte-face pour aller le secourir mais vit au loin la meute lancée à sa poursuite. Elle reprit alors sa course effrénée, effrayée à l'idée qu'ils ne la rattrapent. Elle les entendait qui se rapprochaient de plus en plus. Elle sentait qu'ils gagnaient rapidement du terrain.
Soudain, des masses noires apparurent devant elle. L'odeur qu'elles dégageaient lui fit comprendre que ce n'étaient pas des alliées. Erine se trouvait à présent encerclée.

" Non, " pensa-t-elle terrorisée, " ça ne peut pas se terminer comme ça ! Nous avons encore tant de choses à faire ensemble ! "

La meute grondait autour d'elle. Le vacarme était insupportable.
La peur avait remplacé la logique dans l'esprit de la jeune fille. Elle ne savait plus quoi faire, elle se contentait de regarder tour à tour chacun de ses opposants : tous des bêtes noires aux immenses yeux jaunes emplis de haine.
Une des créatures bondit. Erine s'accroupit, se protégeant la tête, résignée à en finir avec cette vie.

" Adieu Lubio. Dire que nous aurions pus être tellement heureux. "


Un grondement se fit entendre, puis un bruit mât, puis un autre.
Erine ouvrit un oeil et aperçut la dépouille de la bête qui l'avait attaqué. Elle gisait sur le côté, morte, une large marque de morsure lui enserrant le cou.
Elle releva la tête et vit une autre bête, elle aussi morte, mais encore dans la gueule de son assaillant : un loup, au pelage blanc-argenté, un peu plus grand que sa victime.
En le voyant, les autres loups l'attaquèrent mais s'enfuirent dès qu'il y eut une troisième victime dans leurs rangs.
La jeune fille les regardait fuir, heureuse de son sort, heureuse que le destin la sauve aussi ironiquement. C'est alors qu'un bruit léger lui fit tourner la tête. Face à elle, le grand loup blanc-argenté avançait, la regardant sans ciller d'un air impassible. Elle perdit alors tout espoir de revoir son bien-aimé, dans cette vie tout du moins.
Il s'approchait de plus en plus, avec une lenteur exaspérante, comme s'il prenait plaisir à faire durer cet instant où sa victime savait ce qui l'attendait. Erine aurait voulu tenter sa chance et s'enfuir, mais elle ne pouvait plus bouger : elle était comme paralysée, envoutée par le profond regard aux reflets bleutés du monstre.
Elle réussit à peine à murmurer dans un souffle :

" Laisse-moi... Va-t-en... Je veux vivre... "

Elle avait les yeux emplis de larmes. Tout était flou, elle ne voyait plus rien. Ses paupières se fermèrent d'elles-mêmes et elle attendit, se préparant à sentir ces crocs souillés transpercer sa peau et faire couler son sang.
Quelque chose de doux lui effleura la joue, puis elle ne sentit plus rien.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, le loup avait disparu. Seuls restaient les corps sans vie des agresseurs nocturnes.

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