Tout ici respirait la crasse et la pauvreté. Les ruelles sombres étaient remplies de malheureuses âmes n'ayant pas les moyens de se payer le luxe de vivre ailleurs que dans le ghetto de la Sous-Ruche. Et si en temps normal les gens n'osaient déjà pas rester trop longtemps dans ces quartiers malfamées de la ville, depuis que ces assassins mystérieux rodaient on ne voyait quasiment plus personne dans les rues.

Sur le quai d'embarquement de la Citée-Ruche de Strake, une cargaison de "nouveaux arrivants" se dispersait au gré de leurs destinations personnelles. Il pouvait paraître illogique que des gens puissent vouloir vivre dans un endroit aussi horrible, pourtant ils n'avaient pour la plupart pas le choix car la Ruche était le seul endroit où ils pouvaient espérer gagner un peu d'argent pour survivre. Pour les autres ils avaient majoritairement quittés les fermes et les installations agricoles d'Ibren IV en pensant trouver la richesse ou la gloire dans les grandes villes. Une grande partie de cela finissaient par mendier dans les caniveaux ou par devenir des criminels dangereux.

Dans la pagaille de la foule, Matthias semblait en grande détresse, du moins, légèrement plus que la majorité de ceux qui l'entourait. Il criait éperdument un nom de femme, mais le son de sa voix était rapidement étouffé par la cacophonie ambiante. Totalement désespéré il se sortit de la masse compacte de gens qui l'ignorait, et se laissa choir contre un mur les mains plaquées sur le visage. Il allait se mettre à pleurer quand une voix masculine l'interpella tout en lui tapant sur l'épaule.

- Eh mon gars, qu'est-ce que t'as qui te mets dans cet état ?

Légèrement décontenancé Matthias leva les yeux en l'air pour voir un homme vêtu de vêtements très sales, ressemblant plus à de la boue qu'a du tissu. Il ne put répondre de suite mais parvint à articuler quelques mots.

- Ma … Sœur … J'ai perdu ma sœur … Sarah …

- Allons, allons, elle doit pas être bien loin…

L'homme tenta de rassurer la jeune personne, puis se proposa de l'aider à chercher en commençant par le dernier endroit où il l'avait vue. Matthias accepta et remercia son bienfaiteur tout en reprenant son calme, avant de le mener dans le sens inverse de la foule. Il lui expliqua de manière succincte les conditions de leur séparation, comment le passage d'un camion avait fendu la foule en deux en les éloignant l'un de l'autre. Il raconta qu'ils venaient tout les deux d'arriver à Strake et qu'ils ne connaissaient pas la ville. L'homme altruiste acquiesça en le rassurant encore une fois. Ils finirent par déboucher dans une ruelle très sombre. Matthias annonça que la dernière fois qu'il avait vue sa sœur elle était proche de cette rue, et que maintenant qu'il y pensait, il était fort probable qu'elle se soit engagée dedans pour s'éloigner de la foule. Le bon samaritain regarda de manière prudente dans la rue mal éclairée, et hésita à y entrer. Puis, voyant le visage terrifié de Matthias, il consentit à l'accompagner.

Ils marchèrent pendant quelques minutes sans faire de bruit, quand soudain ils remarquèrent comme un tremblement dans un coin près d'une poubelle débordante de déchets. Recouverte de cartons une personne sanglotait. L'homme qui accompagnait Matthias s'en approcha prudemment avant de retirer les cartons en dévoilant une jeune fille dont les cheveux blonds étaient totalement couverts de crasse, au point de presque camoufler leur couleur naturelle. Il y'eut un déclic, puis la jeune fille lui fit un sourire. Matthias parla dans son dos.

- Merci de m'avoir aider à retrouver ma sœur … C'est de plus en plus dur de trouver des pigeon comme vous dans le coin…

Il y'eut le bruit caractéristique d'une décharge laser, et le pauvre naïf s'écroula sur le sol, les yeux révulsés dans une expression de parfaite incompréhension. Matthias et Sarah, qui par hasard portaient effectivement ces noms dans la réalité, se dépêchèrent de fouiller le cadavre et d'en retirer tout les objet de valeurs. C'est-à-dire pas grand-chose. Un bijou de mauvaise qualité, quelques crédits, un tableur électronique usé. Même pas de quoi rentabiliser le prix du pistolet Laser utilisé pour récupérer la marchandise. Matthias lâcha un juron.

- Kss … C'est d'la folie ma parole … Pourquoi y'a que les pauvres qui aident les autres ? Ca n'arriverait jamais qu'un enfoiré de riche soit prit d'élan d'altruisme ?!

- Ouais … Enfin … Je comprend pas le besoin que t'as eu de le tuer. On aurait très bien pu le dépouiller sans en arriver là ...

Matthias tourna les yeux vers sa sœur avec un regard sarcastique.

- Pour qu'il nous dénonce aux Hydres ? Non merci … Je n'ai pas envie de crever dans une de leurs forteresses, et tu sais bien que personne n'en est jamais revenu … En plus …

Un bruit sourd retentit alors dans la ruelle, comme un coup sur de la tôle. Matthias se détourna de sa sœur et pointa son arme dans la direction du son. Il y'eut un nouveau bruit un peu plus à droite, et le jeune bandit suivit instinctivement le mouvement avec son pistolet. Il soupira de soulagement quand il vit une poubelle se renverser et laisser apparaître un chat efflanqué qui mâchonnait des ordures comme si il s'agissait là d'un festin. Matthias rengaina son arme et se retourna vers Sarah en rigolant. Il eu juste le temps de voir le visage horrifié de sa sœur avant qu'un cri strident ne se face entendre. Il se sentit soudain soulever du sol avec une effroyable facilité. La douleur envahie ses sens tandis qu'il constatait que son épaule gauche étaient transpercée d'une large pointe couverte de sang.

Matthias commença alors à se débattre tandis que Sarah émettait des hurlements incohérents en tentant de reculer malgré le fait qu'elle se trouvât dos au mur. A force de gesticuler il parvint à se libérer de l'emprise de son mystérieux agresseur qui l'avait déjà soulevé à plus de 3m de hauteur. Le jeune homme s'écrasa violement sur sol couvert de détritus et tenta de se relever en fouillant dans sa veste pour en sortir le pistolet Laser, essuyant nerveusement son visage couvert de boue. Il fut alors plaqué face contre terre, et se retrouvât dans l'incapacité de bouger, sentant le poids sur son dos lui comprimer la poitrine. Quelque chose de gluant coula dans son cou, tandis qu'il entendait à présent distinctement le souffle rauque de son agresseur, et cela malgré les cris d'horreur de sa sœur, pétrifiée de terreur.

Un liquide épais gicla sur le sol près de Matthias, il ne se rendit pas tout de suite compte de quoi il s'agissait. Mais quand la douleur commença à lui labourer le dos, puis les entrailles, il comprit qu'il s'agissait là de son propre sang. Il se mit à crier à plein poumon, alors que le tueur lui arrachait les boyaux avec une aisance épouvantable. La dernière chose qu'il ressentit avant de mourir fut une rangée de pointes acérées qui s'enfonçaient lentement dans son crâne, tandis que son regard livide se posait sur sa petite sœur en larmes.




* *

*


Cela faisait déjà presque 2 jours que Kreg et Linda avait infiltrés la Sous-Ruche de Strake. Et rien de concret n'était venu les éclairer sur les mystérieux assassins qui opéraient sur Ibren IV. Rien de plus que des rumeurs toutes plus farfelues les unes que les autres. Il était certain que la population était terrifiée, mais la peur leur faisait voir des illusions. Des fantômes, des monstres, des démons … Rien de tangible. Kreg n'avait même pas pris la peine de noter les témoignages de ces gens tellement il y prêtait peu de crédit. Les monstres ne forment pas de groupes organisés sur toute une planète, pas plus que les fantômes… Et pour les Démons … Kreg et Linda savait qu'une incursion démoniaque ne présentait généralement pas ce mode opératoire, du moins ils l'espéraient…

Heureusement pour eux, moins pour les victimes, il y'avait eu récidive. Et les patrouilles de sécurité avaient découvert une scène de crime près des quais. Les deux agents de l'Alpha Légion s'étaient bien entendu rendus sur place, de manière parfaitement officieuse étant donné qu'ils travaillaient dans le secteur sous couverture.

Déguisés en travailleurs locaux, couverts de vêtements usés et de mauvaises qualités, ils avaient rapidement rejoint la scène du crime en prenant de vitesse les Serviteurs du Service d'entretien de la ville. En effet, les meurtres étaient monnaie courante dans la Sous-Ruche, et une fois les procédures d'identifications effectuées, les cadavres étaient simplement considérés comme des ordures vacantes et envoyés à l'incinérateur sans même qu'une enquête ne soit menée. Ce genre de luxe policier était réservé aux étages supérieurs de la Citée-Ruche, où la quantité de crimes était assez réduite pour permettre aux agents de sécurité de résoudre chaque affaire au cas par cas.

La scène de crime en question était sans aucun doute possible liée à la mission de Kreg et Linda. Cette dernière réprima un haut le cœur en voyant l'étendue du massacre. Kreg la serra contre lui de manière détachée pendant quelques secondes, puis il releva ses manches et enfila une paire de gants, plus par souci d'hygiène personnelle que pour préserver l'authenticité des preuves.

Il y'avait deux cadavres, mais un seul attirait l'attention des agents. La plus grande partie du corps était étalée au centre de la ruelle. Apparemment couché sur le ventre, mais cela rester difficile à dire. Un bras gisait inerte à plusieurs mètres du corps, posé sur le couvercle d'une poubelle. Il manquait la tête, et le tronc était ouvert de manière à recouvrir une surface deux fois plus grande que celle qu'un corps normal pouvait remplir habituellement.
Les organes internes étaient proprement déchiquetés et répandus de manière anarchique aux alentours directs du cadavre. De ce que Kreg pouvait constater avec ses faibles connaissances en anatomie, il semblait qu'il manquait également une bonne partie des entrailles de la victime. C'était comme sur l'Epsilon, une scène rappelant plus une attaque de bête sauvage qu'un meurtre, pourtant il savait qu'aucun animal ne pouvait agir de manière aussi synchronisée et aussi précise en des points si éloignés l'un de l'autre.

Il changea d'intérêt et se rapprocha du second cadavre. Il s'agissait de tout évidence d'un homme. Il présentait également quelques traces de morsures, mais c'était moins équivoque que les autres cas observés. Seul la cuisse de l'homme était légèrement déchiquetée, comme mâchouillée, mais c'était évident, en comparant à l'autre victime, que le meurtrier l'avait faite sans réelle motivation. Ce qui étonna le plus Kreg fût la blessure que l'homme avait à l'arrière du crâne et qui ressemblait étrangement à l'impact d'un rayon laser. Il resta là à inspecter la blessure sous tout les angles avant d'appeler Linda qui avait fini par s'habituer à la vue du carnage.

- Linda … Je sais que ce ne sera pas très agréable pour toi mais est-ce que tu pourrais me dire quels sont les sentiments qui entourent cet scène de crime ?

Linda secoua la tête comme pour contredire son partenaire. Elle semblait, malgré la fin de sa nausée, totalement abattue.

- Inutile que je me force … Les sentiments ici sont si forts qu'ils m'agressent littéralement l'esprit…

- Tu peux préciser leur provenance ?

- Je vais essayer …

Linda ferma les yeux et s'approcha de Kreg en lui demandant de s'écarter pour ne pas créer d'interférence. Le don d'Empathie était commun chez les Psyker, et souvent très utile, mais c'était généralement pour son possesseur plus une malédiction qu'autre chose. Ressentir les émotions de mort et de douleur étant en général traumatisant pour une personne non entraînée. Et si Linda avait pu bénéficier de la formation adéquate, il n'en restait pas moins que ce n'était jamais une expérience agréable pour elle.

Elle tenta d'isoler chaque émotion résiduelle. De les identifier, et de les raccrocher à une personne précise. C'était difficile car beaucoup de ces sentiments se ressemblaient, la peur était la sensation la plus présente. Elle rouvrit les yeux et se tourna vers Kreg, de la sueur perlant sur son front.

- J'ai ressenti essentiellement de la peur… Mais aussi de la douleur, une terrible douleur provenant du corps mutilé … De la surprise aussi … L'autre personne n'a pas souffert malgré sa blessure profonde à la cuisse … j'imagine que le tir de Laser l'avait déjà tué avant cette blessure.

- Merci Linda … C'est bizarre mais ça donne vraiment l'impression qu'une bête sauvagea attaquée … Si il n'y avait pas ce tir de pistolet Laser et le reste, c'est la théorie que j'avancerais mais…

- Euh il y'a autre chose… J'ai aussi remarqué la présence d'une troisième personne…

- L'assassin ?

- Non je ne pense pas. Elle était terrifiée, j'imagine qu'elle a du fuir…

Kreg resta songeur, comment un assassin capable de massacrer une dizaine de Space Marines sans laisser de survivant pourrait laisser s'enfuir un humain normal. Il demanda à Linda si il y'avait encore quelque chose, elle lui répondit de façon peu assurée.

- Pas vraiment … Mais je ressens quelque chose d'étrange, une sorte de vide glaciale. C'est comme une brume dérangeante se dispersant sur toute la ruelle … Je ne sais pas ce que c'est mais cela me met mal à l'aise.

Kreg observa le cadavre à ses pieds, enregistrant l'information de Linda sans lui répondre. Il frottait entre ses doigts gantés une sorte de substance visqueuse, semi translucide, et lui rappelant étrangement de la bave. Une chose était sure, cette créature n'était pas humaine.